Le pont d’Avignon

Le but ici n’est pas de retracer l’histoire du pont d’Avignon puisque des articles, ouvrages et même une visite du pont permettent d’en apprendre plus. L’objectif est de présenter le pont d’Avignon comme un élément du décor d’avant les papes, déjà construit et utilisé.
ensemble caractéristique des "grands monuments" de la ville d'Avignon, dont le pont, vus depuis l'île de la Barthelasse
Avignon, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus.

Quelques généralités

Contrairement aux idées reçues, le pont d’Avignon ne fait pas partie de l’ensemble des monuments de la papauté. Bien souvent, le pont est intégré dans une sorte de lot des grands monuments représentants la « Cité des Papes ». Mais en s’intéressant de plus prêt au pont, on remarque qu’il est construit bien avant l’arrivée des Papes dans la ville. Le pont Saint Bénezet, dit pont d’Avignon, date de la fin du XIIe siècle et n’a cessé d’être utilisé et reconstruit depuis.

Pont d'Avignon au premier plan de la ville, vu depuis l'île de la Barthelasse
Pont d’Avignon vu depuis l’île de la Barthelasse, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus.

La construction du pont

L’édifice surplombe le Rhône, fleuve capricieux. Il est construit vers 1177, première date à laquelle il est fait mention du pont. Avant cela, il existait ce qu’on appelle un bac à traille, un système qui permettait de franchir le fleuve en passant d’une rive à l’autre. Une partie du trajet pouvait aussi s’effectuer à pied puisque le Rhône n’était pas identique à celui que nous connaissons aujourd’hui. Certaines légendes aujourd’hui devenues célèbres borde la construction du pont. Par exemple, la mention de Bénézet, présumé fondateur de l’édifice qui devient saint.
Une question relativement importante aussi est de déterminer qui joue un rôle dans la construction du pont et qui a un intérêt dans celle-ci. Bâtit sous l’autorité de l’empereur, la construction et l’intérêt porté au pont relèvent en réalité des grandes familles de comtes et des évêques d’Avignon.
L’accompagnement de la construction et son entretien dépendent de l’œuvre du pont, une œuvre de frères mendiants qui vivaient de la charité et d’aumône.

Pont d’Avignon, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus.
Pont d’Avignon vu depuis l’île de la Barthelasse, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus.

A quoi servait le pont?

Une question primordiale est celle de la construction du pont. Aujourd’hui un pont sert à traverser un fleuve ou une rivière, voir une route; il y a donc souvent un intérêt stratégique. Au XIIe siècle, c’est à peu prêt la même chose. Cette interrogation légitime sur les raisons d’une construction d’un pont a souvent été négligée par les historien.ne.s. En effet, l’emplacement de cette imposante passerelle justifie difficilement son implantation.
Il existe à cette époque deux grandes voies de circulation, ce qui ne corrobore pas avec la construction du pont comme liaison pour la circulation d’hommes ou de marchandises. Cependant, le Rhône représente une zone de commerce très importante et lucrative. L’activité portuaire est si forte que le commerce fluviale est au cœur de l’économie.
Une des raisons serait sans doute l’intérêt qu’exprime la ville dans ses possessions et leur rassemblement. Il existe, en face de la cité et dans l’actuelle Villeneuve, le bourg Saint-André depuis plusieurs siècles.

Le fort Saint-André à Villeneuve vu depuis le rocher des Doms.
Fort Saint-André, Villeneuve, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus

La rue des teinturiers

La rue des teinturiers, aujourd’hui incontournable, était au XIIIe siècle une des nombreuses rues d’Avignon qui regroupait un corps de métier précis.
photo de la rue des teinturiers en direction du centre ville
Rue des teinturiers, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus.

Les rues d’Avignon

Les rues de la ville d’Avignon portaient le nom des corps de métiers qui y exerçaient leur profession ou d’importantes familles. Aussi, ce phénomène est observé dans beaucoup d’autres villes à la même époque. Ainsi on retrouve souvent des rues des cordonniers, des chaudronniers et encore d’autres. La rue des teinturiers est un bel exemple de cet ancien agencement des rues d’Avignon avant l’arrivée des Papes.

bloc de la rue des teinturiers taillé, on y lit l'inscription "Rue des teinturiers" et on observe plusieurs symboles
Bloc de la rue des teinturiers, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus.

La rue des teinturiers, un exemple représentatif

La rue des teinturiers était, comme son nom l’indique, la grande ruelle où l’on teintait. Cette allée où se regroupaient les teinturiers que l’on connaît aujourd’hui sortait en partie de l’enceinte. De cette façon, elle était proche et traversait le portail Imbert ce qui la faisait s’étendre au delà des remparts. Ce qui explique l’implantation de teinturiers dans cette zone est la proximité avec l’eau de la Sorgue. Cette ruelle est assez représentative de l’organisation en groupe dans la ville au Moyen Age. Il s’agit de quelque chose que l’on retrouve dans le reste de la ville mais aussi dans les autres villes.

photo de la rue des teinturiers en direction du portail Limbert
Rue des teinturiers, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus.

Aujourd’hui

Aujourd’hui la rue des teinturiers est surement l’un des lieux les plus célèbres d’Avignon. Connue pour ses roues à aubes et son ambiance mouvementée durant le festival d’Avignon, elle est l’héritière d’une véritable artère fréquentée déjà avant l’arrivée des papes à Avignon. Bien sur, elle n’est pas la seule rue qui date de cette époque, ce n’est surement pas la plus représentative non plus. Néanmoins, il s’agit d’une avenue vivante, à l’image de sa ville, qui donne un léger reflet d’évolution encore une fois.

photo de deux roues à aubes de la rue des teinturers
Roues à aubes de la rue des teinturiers, photo de Nolan Godelaine, Julien Werthe et Jason Nikolaus.

Le palais de la commune

Dans le courant du XIIème les habitants de la ville d’Avignon décident de s’organiser contre le pouvoir de leurs suzerains le comte de Toulouse, qui est alors comte de Provence, et surtout l’évêque d’Avignon, qui a un énorme pouvoir sur la ville et la dirige quasiment de fait. A partir des années 1130-1140 ils s’organisent et votent, par un processus complexe, pour des consuls, au nombre de huit, qui gouvernent la cité. À partir de 1225 les consuls sont remplacés par un podestat unique, le plus souvent d’origine italienne. Ces changements institutionnels sont sur le modèle des villes d’Italie du nord. Pour qualifier ces régimes politiques, on parle de consulat puis de commune d’Avignon lorsque les consuls sont remplacés par le podestat.

Le palais des consuls, ou palais de la commune, est héritier de cette époque. Si l’aspect actuel ne date pas entièrement de cette dernière, le bâtiment a tout d’abord été construit au XIIème comme lieu où siégeaient les consuls, puis le podestat et son administration. Il est intéressant de noter que le bâtiment fut construit surélevé, sur des ruines romaines, sûrement afin de créer une idée de continuité, de légitimité de ces nouvelles institutions communales. Aujourd’hui presque caché par les murs massifs du palais des papes situés à proximité, il faut se rappeler que le palais des consuls est antérieur au palais des papes et était sûrement une construction très importante, et très visible, dans l’Avignon du XIIème siècle.

Les remparts

Les remparts constituent l’enceinte de la ville, délimitant l’espace de celle-ci et la protégeant. A Avignon, tout le monde connaît les remparts qui entourent la ville encore aujourd’hui, les remparts du XVIe siècle. Mais il est intéressant de se pencher sur les une partie des fortifications antérieures.
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Les remparts du XIIe siècle

Des remparts n’ont cessé d’être construit à Avignon au Moyen Age, même depuis l’Antiquité. Néanmoins, ceux qui nous intéressent ici sont ceux qui datent du XIIIe siècle. Cependant, plusieurs fortifications ont été érigées au courant de ce siècle. Ainsi, il faut distinguer l’enceinte des années 1215-1222 (date supposée de l’achèvement de la construction), détruite en 1226, de celle construite entre 1234 et 1248. Celle-ci nous intéresse particulièrement ici. Sa construction montre que la ville s’étend, d’une part, et d’autre part que la construction suit plusieurs étapes. D’abord l’édification des portails, au nombre de onze, suivie de celle des remparts. Après des travaux de réparation et de remise en état, la muraille est finalement détruite en 1255.
Les portails, comme les remparts, étaient construits deux fois: une muraille intérieure et une muraille extérieure. De cette façon, il était plus compliqué d’entrer dans la ville. Comme dit plus tôt, il existait onze portails dans la ville. Ceux-ci portent souvent le nom d’une grande famille, d’une personne importante pour la ville, etc. Parmi eux on retrouve notamment le portail Imbert, traversé par la rue des teinturiers.

Et aujourd’hui?

Aujourd’hui, il est quasiment impossible de trouver une trace de l’ancienne enceinte de la ville, si ce n’est un résidu de quelques pierres au croisement des rues Joseph Vernet et Saint Charles.
Les remparts actuels, couramment restaurés, occultent complètement une possible vision des agrandissements précédents de la ville. Enfin, pas tout à fait. En regardant une carte, il est plus ou moins facile de deviner le tracé des anciens remparts selon l’organisation des rues après l’élargissement de la nouvelle enceinte au XVIe siècle. Le morceau de l’ancien mur encore présent, bien que peu visible, témoigne toutefois de l’ancienneté de la ville et de son développement croissant avant l’arrivée des papes en Avignon.